St Loup sur un axe sacré
document tiré de "Les noms des lieux du Brionnais-Charolais" témoins de l'histoire du peuplement et du paysage. Mario Rossi, professeur émérite au Laboratoire CNRS Parole et Langage de
document tiré de "Les noms des lieux du Brionnais-Charolais" témoins de l'histoire du peuplement et du paysage. Mario Rossi, professeur émérite au Laboratoire CNRS Parole et Langage de
Artaix et St-Loup lieu et axe sacré :
Existe-t-il une raison à cela ? Voici ce que nous dit l’abbé Comby, selon des notes de l’abbé Louis Chatelet, recueillies en 1942, au sujet du Mont Saint-Rigaud :
« Le sommet du Saint Rigaud fut, au temps des Celtes, un des principaux lieux de culte. Tous les ans, il s’y tenait, en été, une grande réunion politique et religieuse. On y venait de grand matin du Beaujolais et du Charolais, on y apportait des offrandes aux dieux, on y exécutait des danses religieuses. Le soir, il y avait réunion et grand conseil entre les chefs de tribus pour discuter des intérêts de la tribu, de la paix ou de la guerre.» (5).
Autrement dit le Saint Rigaud, comme Meulin, Milan, etc. était un sanctuaire du Milieu où se réunissaient une fois l’an les tribus des environs. On y célébrait un culte et, comme à Artaix, il y a là une fontaine guérisseuse dont l’eau possède une « vertu secrète et indéfinie » (Comby, p. 170) !
Ce sanctuaire, comme le prouve l’orientation du temple de St Maurice, devait être consacré comme à Artaix et St Loup à Lug-Mercure, Lug guérisseur, tutélaire de la source. Cette orientation du sanctuaire de Saint Maurice vers le sanctuaire du Milieu au Mont d’Ajoux semble montrer en effet qu’il existait un lien étroit entre ces deux pôles, un lien religieux ;
il n’est donc pas interdit de penser que le culte à Lug-Mercure au sanctuaire du Milieu du Mont d’Ajoux est antérieur à celui rendu à la source d’Artaix.
On peut alors se poser la question de savoir si on prêtait à la divinité du Mont d’Ajoux le même pouvoir qu’à Lug, le Voyant, à Artaix ? Il ne semble pas. Comme on l’a vu, Lug, à l’instar de Mercure, était un dieu polyvalent aux multiples pouvoirs ; c’est ce dieu polyvalent qui devait présider à la source dont l’eau avait « une vertu secrète et indéfinie ». Ce sanctuaire a été par la suite romanisé : on peut penser que les Gallo-romains responsables de ce renouveau du culte insistèrent sur le culte à Mercure. On sait en effet que les Arvernes, non loin d’ici, avaient fait construire un Mercure géant au sommet du Puy de Dôme : un Mercure, surnommé roi des Arvernes.
Nous sommes, avec Artaix, La Tour et Saint Rigaud en présence de lieux de culte au grand dieu Lug-Mercure, lieux de culte qui perpétuent la mémoire des mythes celtiques.
Ces sanctuaires, par voie de terre ou par voie fluviale, devaient être en contact permanent à cette époque. La présence de ces lieux de culte est un témoin précieux de la vitalité des échanges culturels et commerciaux entre les Arvernes, les Ségusiaves et les Éduens et sans doute entre Lugdunum, le Mont d’Ajoux, sur la voie de Lugdunum, et les Briennenses.
Ici aussi, comme à Artaix, lors d’une première tentative de christianisation,
le Leu gaulois devint Saint Leu, c’est-à-dire Saint Loup !!!
Et c’est ce Leu ou Saint Leu que les foules continuaient à vénérer dans le sanctuaire gallo-romain, près de la fontaine guérisseuse, et dont on retrouve le nom beaucoup plus tard, dans Saint Loup d’Aujoux, ou Saint Loup d’Ajoux…sans savoir d’où il venait (Comby, pp. 85, 169)
La première christianisation de ce sanctuaire dédié à Lug-Leu dut avoir eu lieu après la mort de Saint Loup, c’est-à-dire entre les années 650 et 700 (voir note 1).
Comme on l’a vu pour Artaix, cette christianisation n’empêchait nullement les paysans de continuer à vénérer leur divinité tutélaire Lug-Mercure : Saint Leu n’était qu’un masque, mais un masque tout à fait adapté à Lug-Mercure. Saint Leu en effet, comme il est écrit dans le Légende dorée, brilla par ses nombreux miracles, en voici un aperçu que l’on peut lire dans la Vie des saints des Bollandistes :
« Et il se fit beaucoup de miracles à son tombeau, une femme aveugle depuis 30 ans y recevra la vue ; une autre femme paralytique y fut guérie ; un prêtre, qui s’était brisé le corps…fut rétabli en parfaite santé. Il est invoqué principalement pour la guérison du mal caduc… et pour le soulagement des entrailles que (sic) souffrent les enfants. »